Le jeu des sonneurs bretons.

Les sonneurs de clarinette de tradition jouent généralement en couple et pratiquent le jeu en répons à la manière des chanteurs de kan ha diskan, en pratiquant le tuilage.
Quand ils jouent en public, ils utilisent toujours le registre du clairon de l’instrument, clé de douzième ouverte. Ce registre permet d’obtenir un son puissant, projeté et large pour une musique à l’origine interprétée de manière acoustique et généralement en plein air : ils jouent pour accompagner des évènements de la vie (noces, fêtes locales, fêtes paysannes, …) qui rassemblent parfois un public nombreux. L’ambitus le plus communément pratiqué se situe du do aigu jusqu’au do suraigu.
Dans l’intimité de la répétition, de l’apprentissage ou de la transmission, et probablement aussi pour ne pas déranger leur entourage, les sonneurs répètent dans le registre grave : ils utilisent les mêmes doigtés, mais sans activer la clé de douzième : l’ambitus va alors du fa grave au fa medium.
Ces deux options apparaissent dans les enregistrements. Plusieurs plages du 1er CD ont été enregistrées dans le registre grave, en situation de collecte et de répétition.

Les instruments anciens.

Pour les enregistrements « a capella » (sans accompagnement harmonique), nous avons privilégié l’utilisation de clarinettes anciennes de type 13 clés qui étaient encore couramment utilisées jusqu’au début du XXième siècle parallèlement aux instruments comportant le système Boehm devenu universel. Les sonneurs de l’ancienne génération ont dans une large part privilégié cette utilisation pour plusieurs raisons : la première étant que ces instruments à perce plus large leur permettent d’obtenir le son et la puissance qu’ils recherchent.

Une échelle qui a du tempérament.

La musique traditionnelle est d’essence modale, et les musiciens utilisent les échelles diatoniques. Les modes musicaux utilisés sont le mode de do, le mode de ré, ainsi que le mode de sol. Sur ces instruments anciens, les sonneurs utilisent un doigté progressif à partir du do ou ré du registre de clairon. Que le musicien ait condamné le double anneau du corps du bas, ou qu’il ne pratique pas la fourche du fa sur les instruments sans anneau, il en résulte une échelle non tempérée : le fa est plus aigu, le si souvent relâché est plus grave, et parfois le do aigu est plus haut si on le joue sans doigté de fourche. Ce tempérament inégal et qui s’écarte sensiblement des habitudes des musiques de tradition savante, donne une couleur tout à fait spécifique à la tradition des clarinettistes bretons. La flexibilité de l’instrument permet en outre à chaque sonneur d’inventer sa propre justesse.

Le répertoire.

On a l’habitude de classer le répertoire des sonneurs en trois types de pièces :

  • les airs de marche :  airs de défilé, « tonioù hen », airs de noce « tonioù eured »: ils accompagnent les déplacements souvent à pied des personnes conviées à la noce. Curieusement, beaucoup de thèmes de marche sont issus de thèmes populaires hexagonaux, et que les hasards de la transmission orale ont fait largement évoluer en leur donnant une couleur bretonne
  • les airs de circonstance : ceux qui sont joués à certaines étapes du mariage, et pour en souligner la solennité : ton Kenavo ou Boked eured au moment où la mariée quitte ses parents, soubenn laez au moment du couché des mariés
  • les danses : le fonds ancien : il s’agit des danses en rond, parmi lesquels on distingue les airs courts,( 2 phrases de 8 temps : tonioù ber, tonioù simpl), et les airs longs (1 phrase de 8 temps, 1 phrase de 16 temps : tonioù hir, tonioù doubl). Ces danses en rond sont intégrées dans des suites : un bal s’intercale entre deux danses en rond.
    Les danses principales des terroirs de la clarinette centre bretonne sont la gavotte, qui prend une l’appellation Fisel , Dañs Fisel dans le pays de Rostrenen, et la danse plinn qui a gardé de nombreuses appellations : Dañs Fañch, Dañs a dro, Dañs Mab Paour.
    Jusqu’à une époque récente, chaque partie de la suite comprenait un seul air. De plus en plus, le musiciens construisent des enchaînements de plusieurs airs : on constate largement cette évolution quand on passe
  • les danses du fond récent : les danses en couple apparues au XIXième siècle, dont certaines se sont imprégnées d’une saveur locale intense, comme les « polka plinn »
    Généralement, les thèmes musicaux n’ont pas d’appellation particulière. L’usage fait qu’on attribue à tel ou tel musicien un air qu’il aimait pratiquer(« Ton Lucien », l’air de Lucien Rio),un lieu (lieu ou demeurait l’un de ses interprètes renommé), parfois à une chanson ou un refrain, même si on n’observe qu’une fidélité toute relative entre air et paroles.

Ex : CD Dastum – Dominique Jouve sonneur de treujenn-gaol